Meriem et Jules font partie de ceux-là et ils se sont confiés sur ce qu'ils vivaient. Jules est dans un groupe WhatsApp avec plus de 358 personnes qui vivent la même situation que lui. Selon Meriem, ils sont plus de 450 en tout.
Qui sont-ils?
Jules est un père de famille et sa femme est médecin. Son jeune fils a deux ans. Son épouse travaille à temps partiel depuis que son conjoint est devenu prisonnier au Maroc. Ce dernier allait chercher des papiers pour faire reconnaître ses études en comptabilité ici. Il est parti le jeudi 5 mars alors que tout allait bien et il devait revenir le 1er avril dernier.
Quant à Meriem, elle est une mère monoparentale qui est partie visiter sa famille le jeudi 5 mars dernier pour trois semaines. Elle travaille pour le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Son enfant âgé de 20 ans travaille dorénavant à temps partiel pour subvenir à ses besoins et à ceux de son petit frère.
Leurs simples histoires se sont transformées en véritables cauchemars...
Depuis la fermeture des frontières, ils cherchent désespérément une manière de rentrer à la maison. Ils ont tenté de prendre les trois vols de rapatriement et ce fut une suite d'échecs. Ceux qui ont pu quitter le pays étaient les premiers qui ont pu saisir un code en ligne et acheter des billets tard en soirée. Jules avait une connexion Internet défaillante. C'était une course contre la montre. Meriem a réussi à se connecter pour avoir sa place sur le troisième vol, mais sa marge de crédit était insuffisante. Jules a même emprunté de l'argent à un ami pour payer ce vol de 1250 $. Cependant, Meriem et Jules avaient payé un vol aller-retour pour environ 800 $.
Jules, qui travaillait dans un cabinet comptable, a perdu son emploi, comme la majorité des gens qui sont restés 90 jours de trop dans ce pays. Meriem travaille au public, elle a donc un congé sans solde.
Les deux sont presque « chanceux », ils peuvent loger chez leur famille au Maroc. Cela dit, ils n'ont aucune autre source de revenu, sauf un prêt de 5000$ pour trois mois offert par le gouvernement. Ce montant doit être remboursé dès le premier mois où les voyageurs arrivent au pays, pendant six mois (833$/mois).
Meriem n'a pas même été en mesure d'obtenir ce cadeau empoisonné. Chacun doit payer ses dépenses à l'étranger en plus de ses dépenses au Canada. Comme dirait Meriem :
« Un budget pour trois semaines, ce n'est pas un budget pour trois mois. Les dépenses, ça s'accumule... La situation est insupportable. »
Jules et Meriem se sentent abandonnés Chacune de leurs histoires en est une parmi tant d'autres. En se comparant à leurs confrères, ils se consolent. Il y a même une femme souffrant de problèmes cardiaques qui est restée au pays et son jeune de 17 ans est gardé par le voisin.
Elle doit continuer de payer ses comptes au Maroc et au Québec. Un autre voyageur a un cancer et ne peut effectuer de suivis avec son médecin.
Meriem ne peut pas non plus effectuer de bons suivis avec son médecin. On lui a demandé une prescription, qu'elle n'a pas pu obtenir pour le médicament qu'elle prend au Québec. Elle ne l'a point reçue. Elle se retrouve avec un générique et ne se sent pas bien physiquement ni mentalement.
Depuis quelque temps, elle est suivie par un psychiatre. Elle spécifie qu'elle n'en a jamais eu de sa vie. Elle enchaîne :
« Mon état mental se dégrade de jour en jour. Je commence à perdre espoir. J'en peux plus d'être loin de mes enfants, j'en peux vraiment plus, j'en peux vraiment plus. »
Qu'ont-ils fait?
Les voyageurs ont tout tenté pour rentrer au pays. Ils ont contacté l'Ambassade du Canada au Maroc à maintes reprises, mais celle-ci ignore leurs courriels ou leur envoie des réponses automatiques comme quoi ils ont sont débordés. Selon Robert Stead, le président de l'Association d'Aide à l'Immigration, les gens travaillant dans les ambassades ont été rapatriés.
Depuis, son association comprenant une tonne de bénévoles tente de faire le travail de l'ambassade, soit de rassurer les voyageurs prisonniers et de leur trouver des vols.
Par exemple, en collaboration avec les Canadiens prisonniers au Maroc, ils ont réussi à dénicher un vol avec la compagnie aérienne Nolinor et l'agence de voyage Voyages 123 Go.
Le Maroc avait même accepté que cet avion se pose et décolle. Tout était prêt, mais le tout a été freiné par le ministère Affaires mondiales Canada, qui laisse les documents traîner depuis au moins 10 jours. Ce vol coûterait aux alentours de 1300 à 1700 $ par personne.
Quant à l'ambassade du Canada au Maroc, elle « aide » ainsi.
Elle a proposé à certains un vol à 2500 $. Ce dernier faisait deux escales en Angleterre et se terminait à Toronto. Entre les deux escales en Grande-Bretagne, le passager devait trouver un endroit où passer la nuit, alors que les hôtels sont fermés jusqu'au mois de juillet. Ce fantastique plan a été évoqué davantage à certains qu'à d'autres, qui n'ont plus eu de nouvelles, comme Meriem. L'ambassade a contacté une femme de 75 ans à mobilité réduite pour lui offrir ce vol.
Entre-temps, le Canada reste évasif et n'atteint pas ses promesses. Hier, en conférence de presse, Justin Trudeau a déclaré qu'il va continuer d'essayer de travailler pour les aider autant que possible et qu'il s'est assuré qu'il y avait un prêt accessible (le 5000$).
Le tout commence à 22 : 30. Le 19 mars dernier, il comptait rapatrier 100 000 Canadiens. Depuis, 41 000 sont de retour à la maison. Il en reste au moins 59 % à aller chercher. Plusieurs vivent dans des conditions atroces et ont difficilement accès à de la nourriture, à de l'eau potable et à l'électricité!
Pour le moment, au Maroc, la situation reste ambiguë. Personne ne sait réellement quand les frontières vont rouvrir. Jules et Meriem n'entendent que des rumeurs. Plusieurs pays, dont le Panama, l'Allemagne, le Venezuela et le Cuba, ont rapatrié leurs citoyens gratuitement en environ deux semaines. Espérons que le Canada agisse rapidement...
Sources :